par Sophie Degano

Nous remercions l’artiste de nous avoir autorisées à reproduire son œuvre.
Sophie Degano est une artiste qui choisit ses médiums en fonction du thème qu’elle explore. Ce portrait d’Olympe de Gouges est extrait de Grâce à elles, une série de 60 portraits de femmes auxquelles elle rend hommage – d’Aliénor d’Aquitaine à Régine Desforges ; parce qu’elle les admire, qu’elles l’inspirent ou l’intéressent. Rassemblés lors d’une exposition itinérante, et accompagnés chacun d’un texte qui dit en quoi la femme qu’il évoque est remarquable, ces portraits ont aussi été réunis dans un livre. Voici le texte qu’elle consacre aujourd’hui à Olympe de Gouges.
À 17 ans, Olympe de Gouges est mariée contre son gré [1].
Veuve à 18 ans, elle décide de ne pas se remarier afin de conserver sa
liberté [2].
Sa liberté de femme, mais aussi sa liberté de publication, puisque la
loi française interdisait à une autrice de publier un ouvrage sans le
consentement de son époux.
Pour Olympe, l’écriture devient un cri protestataire.
Elle publie une trentaine de pièces, de romans, de brochures ou pamphlets
politiques [3].
Sa pièce Zamore et Mirza signe l’engagement qui sera celui de sa vie :
la reconnaissance des droits de tous les laissé·es-pour-compte de la société,
que sont les noir·es, les femmes, les enfants illégitimes, les démuni·es, les
malades.
Ses revendications sont nombreuses : égalité pour les femmes, remise en
cause du mariage, droit à la recherche en paternité, ouverture en hiver de
maisons de secours pour les pauvres, abolition de l’esclavage.
À ce propos, l’abbé Grégoire mentionne Olympe de Gouges parmi les
précurseurs de l’abolition de l’esclavage.
En réponse à la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août
1789, Olympe de Gouges rédige en septembre 1791, Les droits de la femme [4].
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », proclame
fièrement la Déclaration, ce à quoi l’écrivaine réplique courageusement :
« La femme naît libre et demeure égale à l’homme (…) Homme, es tu
capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. »
Sa déclaration est un appel au réveil de la conscience des femmes :
« Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. »
Mais son texte dérange les révolutionnaires qui ne tolèrent pas la remise en
cause de la République (surtout par une femme !). L’antiféminisme s’impose.
« Une femme n’est bien, n’est à sa place que dans sa famille ou dans son
ménage », affirme le journal Révolutions de Paris.
En Juillet 1793, Olympe est arrêtée pour avoir violemment interpellé
Robespierre dans une affiche publiée le 19 juillet et intitulée « Les trois
urnes, ou le salut de la patrie, par un voyageur aérien ».
Elle est condamnée à mort et guillotinée le 3 novembre.
Olympe est née il y a 275 ans, pourtant, son discours semble si
contemporain !
C’est une femme de tous les combats. Libre et courageuse, elle défie, ne se
laisse pas enfermer, elle fait des choix qui sont les siens et qu’elle défend au
nom de la justice.
C’est ce que j’ai cherché à reproduire dans son portrait. J’ai choisi le noir
et le blanc pour lui rendre hommage. Le noir représente ses combats et le blanc
la liberté qu’elle s’octroie.
[1] Fiancée à 16 et mariée à 17 ans, le 24 octobre 1765, voir O. Blanc, Olympe de Gouges,
des droits de la femme à la guillotine, Tallandier, 2014, p. 30-31. (Les notes sont de Sylvia Duverger)
[2] Louis-Yves Aubry est mort en 1766, vraisemblablement, selon O. Blanc.
[3] Olivier Blanc dénombre 144 écrits (comprenant des romans, mémoires, préfaces, pièces de théâtres et textes politiques) et huit articles de presse (op. cit., p. 240-247).
[4] Titre exact du texte que l’on désigne désormais sous celui de Déclaration des
droits de la femme et de la citoyenne.