Extrait des Remarques patriotiques, rendues publiques en novembre 1788 par Olympe de Gouges (Tome III des œuvres complètes, Cocagne, p. 141-142)
Olympe de Gouges écrit Les Remarques patriotiques au moment où le « parti patriote » défend le principe du vote par tête. Les états généraux ont été convoqués en août et « le tiers-état, avec raison, estime-t-elle, prétend avoir autant de voix que le clergé et la noblesse ». Mais, observe-t-elle, « la dignité de ces derniers ne veut point entendre que les organes du peuple sont des voix aussi salutaires à l’administration des finances et aux prompts remèdes qu’on doit porter à un mal qui empire tous les jours ». Elle est indignée par l’arrogance de la noblesse, qu’elle exhorte à « laisser de côté le rang, les titres et ce vain préjugé de ses dignités idéales ». Car la France va mal, elle est lourdement endettée et la misère sévit. Olympe est rien moins qu’indifférente au sort des démuni·es, que, dès décembre, la rudesse de l’hiver rendra plus invivable encore. Olympe exhorte le roi et la reine à créer des maisons où les pauvres trouveraient à se loger. Les femmes seules, chargées d’enfants et ne disposant ni des mêmes possibilités d’emploi ni des mêmes salaires que les hommes, sont les premières à sombrer dans la misère. Notons qu’il en va toujours de même aujourd’hui.
Les veuves des ouvriers qui perdent leurs maris subitement, trouveraient dans ces asiles un prompt secours pour elles et leurs enfants. Combien de fois n’a-t-on pas vu de ces infortunées qui perdent leurs soutiens dans un bâtiment, dans une carrière ou dans une fosse. Elles restent avec plusieurs enfants sans secours et souvent elles sont enceintes quand on leur apporte leur mari mort sur un brancard. Ce spectacle émeut quelques âmes le premier jour. Mais comme tout est l’affaire du moment à Paris, les infortunées veuves restent quelques temps après sans secours, sans pain quand leurs enfants, en leur tendant les bras, leur en demandent à grand cris. Et dans les fortes gelées, ces enfants meurent en proie à des tourment affreux qui ajoutent encore à ceux de leur mère.